Article de Pierre Roy

Article de Pierre Roy, historien :

François Courtin a publié la correspondance de guerre entre sa grand-mère et son grand-père durant la première guerre mondiale. Elle s’étale du 21 septembre 1914 au 14 avril 1917, deux jours avant la mort de Georges Courtin qui survient après une très grave blessure le jour J du déclenchement de l’offensive Nivelle dans le secteur du Chemin des Dames. C’est un gros livre mais il vaut la peine d’être lu car son auteur, qui n’est pourtant pas un historien de métier, encadre la publication de cette correspondance par des développements très denses et très complets, constituant une rétrospective extrêmement documentée de la totalité de la guerre de 14-18. Il s’agit d’une mise en contexte générale de la correspondance publiée, contextualisation qui occupe bien les deux tiers du livre, de telle sorte que le lecteur est en présence d’une histoire à la fois globale et détaillée de la première guerre mondiale. Ce travail d’une grande qualité mérite vraiment d’être salué car il procède à une véritable histoire de la guerre et de ses principaux aspects, qui n’oublient pas le second front dont les enjeux principaux étaient la Turquie et le Moyen-Orient, front où la Russie tsariste, l’impérialisme anglais et l’impérialisme français ont été très agissants (sinon toujours efficaces sur le plan militaire). C’est ce second front qui a fixé pour longtemps les frontières des Etats qui ont alors été tracées par les grandes puissances alliées et dont a hérité l’actualité la plus brûlante, y com-pris donc, notamment ce que les journalistes appellent le conflit israélo-palestinien. L’auteur, qui ne cache pas ses affinités avec le combat mené par la Libre Pensée à la fois contre les guerres et pour la réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple, aborde le sujet de la conduite calamiteuse de la guerre du côté français par des généraux qui, à quelques exceptions près (qui font d’ailleurs l’objet de mises au point très précises), se sont révélés de dangereux incapables, coupables d’attaques inutiles, militaire-ment parlant, qui ont couché à jamais des centaines de milliers de poilus sur le théâtre de la guerre. On lit dans le livre de Courtin des précisions très utiles à ce sujet et qui complèteront utilement la lecture des Actes du colloque de Soissons sur les généraux fusilleurs. On lira avec beaucoup d’intérêt l’évocation de la bataille des frontières qui ouvre le livre avant même que Georges ne soit mobilisé et on clora sa lecture – bien après la mort de Georges – en prenant connaissance notamment d’une approche des mutineries et de la réalité du personnage de Pétain, par une réflexion sur le rôle joué par le contingent américain qui ne devint vraiment opérationnel qu’à la fin du printemps 1918, en pleine offensive allemande qui, partie de la ligne Hindenburg, arrive de nouveau presque aux portes de Paris. La fin du conflit militaire entre la France et une Allemagne révolutionnaire marque aussi la fin du livre de François Courtin. Le lecteur se déprend de sa lecture, après avoir appris ou s’être remis en mémoire beaucoup d’éléments de faits, qui ont été replacés de façon stimulante en perspective par l’auteur. Le livre refermé, on ne saurait oublier non plus la dimension humaine de cette correspondance entre deux êtres qui s’aiment et que sépare la guerre, séparation ponctuée de trois petites permissions avant l’irréparable tragédie causée par la mort de Georges au Chemin des Dames, chemin des larmes…

Le livre coûte 30 €. Il a été édité de façon extrêmement soigneuse à compte d’auteur. Pour se le procurer, s’adresser à notre siège ou à l’un des responsables des trois groupes libres penseurs de la Loire.

Pierre Roy

Article paru dans la revue de la Libre Pensée “L’Esprit Fort” de janvier 2016